Les traductrices au service des grandes causes de leur temps.
Les traductrices du passé sont sous tous les fronts. Elles luttent d’abord pour que leurs noms apparaissent sur leurs traductions (plus d’anonymat ou de pseudonyme masculin). Puis elles s’emparent des problèmes de leur temps : éducation des femmes, égalité entre les femmes et les hommes, instruction publique pour tous, lutte anti-esclavagiste et lutte politique. Qui sont ces femmes aussi passionnantes que méconnues ?
La traduction d’un roman au lieu d’un texte pieux
Margaret Tyler (1540-1590) traduit Espejo de príncipes y caballeros, roman espagnol de Diego Ortúñez de Calahorra, sous le titre The Mirrour of Princely Deeds and Knighthood (Le Miroir des actes princiers et de la chevalerie), et signe sa traduction de son vrai nom, contrairement à tant de traductrices anonymes ou cachées derrière un pseudonyme masculin. Imprimée en 1578, sa traduction assez littérale privilégie la clarté plutôt que l’élégance fluide du texte original et devient un best-seller.
Mais certains lecteurs pensent qu’un tel sujet masculin et profane est inapproprié pour une femme. Les traductrices sont censées traduire la littérature religieuse puisque l’éducation des femmes est censée promouvoir la piété. Dans sa Lettre au lecteur, Margaret Tyler proteste contre ces critiques et ces restrictions, insiste sur le sérieux et l’importance de l’activité littéraire des femmes et propose que les femmes et les hommes soient traités comme des êtres rationnels égaux.
On sait très peu de choses sur elle. Elle est probablement une servante de la famille Howard, une famille aristocratique catholique, puisque la lettre de dédicace introduisant sa traduction est adressée à Lord Thomas Howard. La source de sa connaissance de l’espagnol est inconnue. Mais connaître l’espagnol est apprécié des marchands anglais en raison de leurs liens économiques avec l’Espagne, et certaines filles et servantes de marchands apprennent la langue dans ce but.